Psychanalyse d'un conte de fées

 
 
Def. Activités vocales du bébé, incluant cris, babillage et gazouillement et précédant l'acquisition du langage.






« Corentin, si c’est un garçon ! »

Le choix était fait et mes deux parents satisfaits respiraient de nouveau, soulagés d’avoir trouvé un commun accord quant à l’attribution de mon prénom.

Malheureusement pour eux, le fait de ne pas vouloir connaître le sexe de leur enfant avant la naissance ne rendait pas la tâche plus aisée.
Peu importe, ce serait un garçon, ma mère avait cet instinct maternel fiable qui lui permettait de pressentir ce genre de choses.
Mon père quant à lui, préférait penser également que cet enfant serait un fils fort et digne de son nom qui reprendrait par les suites les rennes de l’entreprise familiale.
Ainsi, quelle ne fut leur surprise lorsqu’ils virent jaillir du ventre de sa créatrice, une petite fille ayant usurpé la place de leur Corentin.

Mon père au bord de l’évanouissement et épuisé par cet accouchement pénible et douloureux resta un moment sans voix.
Comble de l’hypocrisie ou tout simplement heureux que l’instinct maternel tant jalousé est échoué, il s’écria soudainement que depuis le début il avait l’intime conviction que je serai une petite fille.
Trèves de vanteries, il fallait trouver un prénom à ce revirement de situation qui pleurait déjà dans les bras de sa mère.
Mais comment savoir si ce prénom allait convenir à ma future personnalité ?

Mes parents avaient si souvent rencontré des personnes qui juraient totalement avec leur prénom.
En effet, il existe depuis le début des temps, des personnalités ou tout simplement des préjugés associés à certains prénoms. Purs produits de généralisation, ces prénoms devenaient lourds de sens et traînaient parfois un tel fardeau qu’il n’aurait pas été judicieux de baptiser son propre chérubin de la sorte.
De plus, il faut se méfier de certains jeux de mots engendrés par la combinaison mathématique prénom+nom. En effet, être l’objet de moqueries dès le plus jeune âge ne conduit pas à un avenir heureux et est parfois à l’origine de certaines tendances psychopathiques.

Pourquoi ne pas choisir un prénom rare pour cet enfant que nous percevons déjà comme un miracle ?
Tout simplement parce que des prénomscomme Pentatonnique ou Epsilon sont réservésà des personnes qui marqueront l’humanité. Qui voudrait d’une telle pression dès la naissance ?
Le temps des prophéties est terminé, nul besoin de promettre un avenir brillant et hors du commun à un enfant lorsque parents vous ne savez même pas de quoi sera fait demain.
Les prénoms peu usuels sont essentiellement le fruit de l’égocentrisme des parents.
Seulement, n’oubliez pas que les chiens ne font pas des chats. Vos enfants qui ont tout à apprendre de la vie ne deviendront pas des génies au rythme de vos envies, ils seront ceux que vous êtes en version plus moderne et améliorée : ni plus, ni moins.

Par miracle, la réflexion de mes parents s’interrompit à ce moment là, mon père avait trouvé la solution.
Il souhaitait me donner un nom en rapport avec les racines de la famille de ma mère.
Cet abandon précoce de sa région natale par une jeune femme, était du à un coup de foudre, amèrement regretté par la suite,pour le jeune homme qu’était mon père.
Ainsi, en hommage à sa famille et à ses origines sacrifiées au profit de leur amour, mon géniteur souhaitait me donner le nom d’une région.
Par chance, la famille de ma mère ne provenait pas du Languedoc-Roussillon car ma vie aurait pris un départ difficile, elle vivait dans une région du Nord-Est de la France plutôt vivifiante en hiver mais par-dessus tout conviviale.
Avec émotion et orgueil, il proposa à ma mère son idée qui aura un impact puissant sur le reste de mon existence, qui aurait pu me condamner dès ma naissance si je n’avais pas décidé d’en être fière :

« Et si nous l’appelions Lorraine ? »

Alea jacta est, je m’appelle et surtout je suis Lorraine.

Le L, initialement Moi, à l’origine il y avait le L. Il se glisse lentement vers mon prénom puis vers mon nom. Je suis le L, un triple L : un tiers de lait, un tiers de sucre et un tiers de farine. Un mélange étrange dont la recette reste secrète et inexplicable.

O, comme une carapace autour de moi à qui il appartient de me protéger. Forgée avec les années, les coups, les blessures, mais loin d’être incassable. Une bulle inextensible qui emprisonne, un rond de trop sur mon corps.

Redoutable, il ne laisse pas droit à l’erreur. En quête d’une perfection inaccessible mais enviable, à bout de souffle, ilpoursuit le combat.

Un autre R vient redoubler cette quête, celui de la Réflexion. Permanente, épuisante, celle que l’on aimerait parfois délaisser au profit d’une réelle oisiveté. Celle qui me colle à la peau, puise dans mon cerveau et coule dans mes veines jusqu’à l’apparition des premiers troubles baudelairiens.

Amour et Amitié, deux sentiments fleurissants à la pointe de ce A, qui comme des lianes entourent mon Âme. Acteurs de mon destin, pièces en plusieurs actes avec ou sans dénouements tragiques, Amour et Amitié jouent le premier rôle dans le théâtre de ma vie.

Ironie défiante ou ironie auto-dérisoire, sans elle l’existence est plus morne. Le Id’ironie mord sans laisser de traces et dédramatise toute situation embarrassante. Une solution efficace à laquelle, il serait bon de penser plus souvent.

NE pas faire ceci, ne pas faire cela. Négation, interdiction, barrières à l’évolution etfrein à l’épanouissement. NON ! Il faut des refus pour avancer, cela pimente le jeu et développe l’imagination afin de contourner les règles, les normes imposées. Attention cependant, transgressions à commettre avec modération.

Chaque lettre a son importance. Enlever ou ajouter une lettre serait une véritable défiguration. L’essence de chacune est imprimée en moi depuis mon premier souffle, donnant ainsi une consistance à mon prénom, me rendant être à part entière.